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OMS et Covid-19 : La santé mondiale prise en otage

Perspectives d’un virus sur une pandémie mondiale

Les défaillances du système de santé international

Une urgence de santé publique de portée internationale s’entend « d’un événement extraordinaire dont il est déterminé […] i) qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres États en raison du risque de propagation internationale de maladies ; et ii) qu’il peut requérir une action internationale coordonnée ; ».

En tant que virus de renommée mondiale, je ne fus pas surpris de voir le comité d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) me qualifier juridiquement comme tel le 30 janvier 2020[i].

Un mois plus tôt[ii], les Humains pensaient encore à une pneumonie de cause inconnue. Pratiquement un an plus tard, j’emportais plus d’un million de personnes[iii]. Performance plutôt correcte si l’on considère l’activation d’un outil juridiquement contraignant, le Règlement de santé international adopté en 2005[iv], ainsi que les efforts de la “communauté internationale” mis en place pour m’arrêter. Cependant certains facteurs politiques sont intervenus en ma faveur - ces derniers ayant pu s’imposer à cause d’un droit international critiquable.

Dans ce système volontariste et stato-centré, j’observe et m’amuse du rôle quasi-monopolistique que les États se disputent sur la scène internationale. C’est d’ailleurs en tant qu’organisation internationale que l’OMS a été créée, par et pour les États, et à l’instar de ce que soulignait Dionisio Anzilotti[v] concernant le droit international : « le véritable droit international ne dérive que de la volonté́ des États ». Aussi, le traité constitutif instituant l’OMS, en ce qu’il instaure un système dans lequel les États sont les principaux bailleurs de fonds[vi] mais également les principaux décisionnaires[vii], contribue à l’entrave et l’instrumentalisation de l’Organisation.

Par conséquent, l’oscillation entre vocation universelle[viii] et intérêts étatiques expose le système bicéphale de l’Organisation : les États membres décideurs d’un côté et l’OMS, personnalité juridique censée exister indépendamment, de l’autre. Ce paradoxe fragilise et nuit au bon fonctionnement de l’OMS, me permettant ainsi de me propager.

Et puisque le Conseil de Sécurité des Nations Unies s’est également emparé de mon cas[ix], je ne peux m’empêcher de me remémorer ce que disait Serge Sur à propos du « dédoublement fonctionnel »[x] inhérent à cette entité: les membres permanents exercent leurs fonctions de garants de la paix et de la sécurité internationale mais également en tant qu’entité souveraine cherchant à tirer profit de leur position.

Me permettriez-vous alors d’extrapoler cette théorie à l’OMS… ?

Dans sa lutte contre mon action, je réalise que l’OMS se retrouve prise en étau entre son but initial et les intérêts souverains de ses décideurs. Aussi, dans ce contexte juridique questionnable, les conséquences politiques n’ont pas tardé à se faire sentir.

Sur le plan sanitaire, je constate une gestion plus que difficile de la crise s’expliquant par plusieurs facteurs géopolitiques, notamment :

  • La crédulité de l’OMS sur la divulgation des chiffres chinois montre un véritable problème de transparence et de compétence. Il est intéressant de noter que les enquêteurs de l’OMS n’ont eu accès au territoire chinois qu’en février 2020[xi] alors même que le premier cas « officiel » avait été recensé le 31 décembre 2019.

  • C’est officiellement pour ces raisons que les États Unis ont décidé en avril 2020 de suspendre leur contribution au budget de l’OMS[xii]. Les conséquences politiques de ce désengagement brutal ont propulsé la Chine au rang de contributeur principal de l’OMS, multipliant par deux l’ancien financement américain[xiii]. Cela s’ajoute à la forte activité diplomatique de la Chine pour s’élever en leader sur la scène internationale.

  • Si la Chine a finalement rejoint l’initiative « Covax » le 9 octobre 2020[xiv], projet permettant aux pays les plus pauvres d’accéder au futur vaccin, cela ne la dédouane pas d’avoir menti sur le nombre de morts répertoriés sur son territoire[xv] et d’avoir favorisé la mise en place d’un directeur de l’OMS ayant la nationalité d’un pays (Éthiopie) « très largement dans les mains des crédits chinois », comme l’explique le diplomate français Maurice Gourdault-Montagne[xvi]. Tous ces abus ont été commis sous le nez d’une OMS naïve (ou hypocrite ?) et d’une communauté internationale passive qui vient par ailleurs de réélire la Chine en tant que Membre au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies[xvii].

Comme l’a très bien résumé le diplomate français précité, « l'OMS rapporte sur les situations telles qu'on les lui dit et, à l'image de l'organisation des Nations Unies, ne peut pas imposer à un pays de fermer ses frontières ou rendre le masque obligatoire dans ses rues, par exemple. »[xviii]. Tous ces facteurs illustrent la faille du droit international dans laquelle s’inscrit l’OMS, ce qui a eu des conséquences politiques néfastes dans la lutte contre ma circulation.

António Guterres, secrétaire général des Nations-Unies, me qualifie de « […] principale menace dans notre monde »[xix]. Oui, moi, Covid-19, ai réussi à mettre en lumière les défaillances de l’OMS, son emprise aux élans souverains et les faiblesses du droit international dans son ensemble. Depuis le début de cette crise, c’est la santé mondiale dans son intégralité qui se retrouve prise en otage.

Arnaud BATTAGLIA, Zoé JALABERT, Jean MAZEL, Thomas OUEDRAOGO

[i] https://www.who.int/fr/news/item/29-06-2020-covidtimeline

[ii] Ibid. 31 décembre 2019

[iii] https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde

[iv] https://www.who.int/features/qa/39/fr/

[v] Premier juge de la Cour permanente de justice internationale (CPJI)

[vi] Voir article 56 du traité constitutif de l’OMS https://www.who.int/governance/eb/who_constitution_fr.pdf

[vii] Ibid. Voir article 18 du traité constitutif de l’OMS

[viii] Ibid. Voir préambule du traité constitutif de l’OMS

[ix] Résolution 2532 du Conseil de sécurité http://undocs.org/fr/S/RES/2532(2020)

[x] Article de S. Sur; p. 36 :La résolution 687 (3 avril 1991) du Conseil de Sécurité dans l'affaire du Golfe : Problèmes de rétablissement et de garantie de la paix, AFDI, 1991, vol. 37, pp. 25-97 https://www.persee.fr/docAsPDF/afdi_0066-3085_1991_num_37_1_3009.pdf

[xi] https://www.liberation.fr/direct/element/les-mensonges-chinois-et-laveuglement-de-loms_112366/

[xii] https://www.bbc.com/afrique/monde-52289034?fbclid=IwAR0hVQFkyPYHNjT9F55dauA1qqaddousQSF62jcggMB-WaUfoA5zOaIg1BU

[xiii] https://www.courrierinternational.com/article/sommet-loms-la-chine-sempresse-de-combler-le-vide-laisse-par-les-etats-unis?fbclid=IwAR1CwM1lvVZEfEfsvpKG0ZfSAH41I7Vazmy2PiaWA-rJ3mmcgF9yNOH_j4I -

[xiv] https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/12/vaccin-contre-le-covid-19-la-chine-rejoint-la-communaute-internationale_6055703_3210.html?fbclid=IwAR07ZeAcH2Cb8wg1zuunKsZSVR_l_Vhpc7JAzY4GdY_CTECcXy4I3YaM_C4

[xv] https://www.monde-diplomatique.fr/2020/06/MILCENT/61871

[xvi] https://www.europe1.fr/international/chine-et-crise-du-covid-19-loms-peut-etre-sous-influence-de-ceux-qui-payent-le-plus-3985887?fbclid=IwAR22JVD7FEwD77SJHrs-cSJXYC-_TfuohsAYdrxn4Fe51cmqPTgDdq4tpC8

[xvii] https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/victoire-la-chine-reelue-membre-du-conseil-des-droits-de-lhomme-de-lonu

[xviii] https://www.europe1.fr/international/chine-et-crise-du-covid-19-loms-peut-etre-sous-influence-de-ceux-qui-payent-le-plus-3985887?fbclid=IwAR22JVD7FEwD77SJHrs-cSJXYC-_TfuohsAYdrxn4Fe51cmqPTgDdq4tpC8

[xix] https://www.un.org/press/fr/2020/sc14312.doc.htm?fbclid=IwAR2n2HjojRSzLJ8LjteQSHtrO9mmJe7xh4sjgUbdL_kCBD1OMBhT54JGFqQ

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