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L'applicabilité de la doctrine de la responsabilité partagée

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    Admin
  • 28 avr. 2021
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 oct. 2021

L'applicabilité de la doctrine de la responsabilité partagée pour la commission violations des droits de l'homme contre les caravanes de migrants.


Selon l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), le terme "caravane de migrants" désigne de "grands groupes de personnes se déplaçant par voie terrestre à travers des frontières internationales". La première de ces caravanes de migrants est partie du Honduras vers les États-Unis en octobre 2018, et ce phénomène est devenu de plus en plus courant en Amérique Centrale ces dernières années [1].


Le 18 janvier, la première Caravane de 2021, composée d'environ 6000 personnes, a été victime de mesures répressives de la part de la police et des forces armées du Guatemala ayant usé de bâtons de bois et de gaz lacrymogènes. Le groupe, également composé d'enfants, a été gravement traumatisé [2]. Similairement, en 2020, l'Organisation des Nations Unies (ONU) et des observateurs des droits de l'homme ont recueilli des preuves selon lesquelles la garde nationale mexicaine a également réprimé des caravanes de migrants en utilisant la force et le "gaz poivré" pour ensuite les capturer et les déporter [3]. À première vue, ce comportement est en contradiction directe avec l'article 5 de la Convention Américaine relative aux Droits de l'Homme (CADH), un instrument auquel les deux États sont parties et qui établit que "toute personne a droit au respect de son intégrité physique, psychique et morale". En outre, la Commission Interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a eu l'occasion d'entendre des pétitions concernant des expulsions massives de personnes, le retour de migrants en situation irrégulière, la non-garantie du droit de demander et de recevoir l'asile, dans lesquelles elle a établi des normes pour la protection des réfugiés et des sans-papiers [4]. En ce sens, étant donné que de nombreux migrants abandonnent leur pays par crainte, par exemple, d'être assassinés par des gangs, ces déportations contreviennent également au principe de non-refoulement contenu dans l'article 33 de la convention de 1955 sur les réfugiés. La similitude des politiques violentes contre les caravanes de migrants du Mexique et du Guatemala n’est pas une coïncidence, car elles obéissent toutes deux à un plan anti-immigration promu par l'administration Trump. Les États-Unis ont destiné un grand nombre de ressources à ces gouvernements afin d’arrêter les caravanes sur leurs territoires pour éviter qu'elles n'atteignent la frontière au sud [5] et ont menacé de couper l'aide économique aux pays qui n'y parviendraient pas [6]. Ces facteurs-là ont poussé le Mexique et le Guatemala à commettre des violations des droits de l'homme contre les migrants.


En ce sens, il est clair que, puisque ces événements ont été commis par les forces mexicaines et guatémaltèques sur leurs territoires respectifs, ils pourraient être responsables de la violation de la CADH dans la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme (Cour IDH). Cependant, une question plus difficile à résoudre est de savoir si les États-Unis pourraient également être tenus responsables d'avoir incité le Mexique et le Guatemala à commettre ces violations. Cette idée découle du concept de responsabilité partagée, que l'on retrouve à l'art 47 de l'AREPII [7] et qui énonce que "Lorsque plusieurs États sont responsables du même fait internationalement illicite, la responsabilité de chaque État peut être invoquée à l'égard de ce fait". En ce sens, il est difficile d'établir la responsabilité des États-Unis devant la CrIDH, puisque l'État n'est pas partie à la CADH et qu'il n'a pas accepté la compétence contentieuse de ce tribunal. De plus, l'argument selon lequel les États-Unis ont dirigé ou contraint le Mexique et le Guatemala, interdit par les articles 17 et 18 du Projet d'Articles sur la Responsabilité de l’État Pour fait Internationalement Illicite (AREPII) respectivement, n'a pas non plus de chance d'aboutir, car le premier exige que l'État dirige entièrement cet acte illicite et ne se contente pas de suggérer ou d'inciter à sa commission selon le test du contrôle effectif développé dans l'affaire concernant les activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre le Nicaragua devant la Cour International de Justice, de 1984 [8], tandis que la contrainte exige "une conduite qui force la volonté de l'État contraint, ne lui laissant pas d'autre choix effectif que de se conformer aux souhaits de l'État contraignant"[9].


Au-delà des jugements moraux, fondés sur le droit, ce n’est pas possible de juger ou condamner les États-Unis pour les actes commis contre les caravanes de migrants au Guatemala et au Mexique. Malgré l'autorisation du droit international de continuer à agir de la sorte, la nouvelle administration de Biden a adopté, pour l'instant, une approche moins stricte vis-à-vis du phénomène de la migration et, contrairement à son prédécesseur, elle a adopté l'idée d'accorder potentiellement un statut légal à ces migrants [10], ce qui pourrait marquer une certaine rédemption pour les États-Unis par rapport à leurs comportements précédents.


____________________


REFERENCES


[1] Jacinta Astles, ‘‘Migrant Caravans: Explained’’, IOM https://rosanjose.iom.int/SITE/en/blog/migrant-caravans-explained

[2] BBC, Caravana de migrantes: la violenta represión en Guatemala contra grupos que se dirigen caminando a EE.UU. 17/01/21 https://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-55698861

[3] Reuters, México niega represión a caravana migrantes, ONU advierte sobre uso excesivo de fuerza 24/01/20 https://www.reuters.com/article/inmigracion-mexico-caravanas-idLTAKBN1ZN1SE

[4] Diario DPI (2017) La Doctrina de la Responsabilidad Compartida en el trámite ante la Comisión Interamericana Derechos Humanos Aplicación a situaciones de flujos migratorios mixtos

[5] Bloomberg, Caravan of 3,000 Tests U.S.-Mexico Pact to Stop Migrants. 21/01/20

[6] Reuters, Trump threatens to cut Central America aid over migrant caravan 22/10/18 https://www.reuters.com/article/us-usa-immigration-caravan-idUSKCN1MW1QM

[7] Articles sur la Responsabilité de l’État Pour fait Internationalement Illicite

[8] CIJ, Affaire les activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre le Nicaragua, 26 novembre 1984, Paragraphe 115, https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/70/070-19841126-JUD-01-00-EN.pdf

[9] The International Law Commission's Articles on State Responsibility: Introduction, Text and Commentaries (2002, Cambridge University Press) p 156

[10] NBC, Incoming Biden administration to migrant caravan: Don't come, you won't get in immediately 17/01/2021, https://www.nbcnews.com/politics/immigration/incoming-biden-administration-migrant-caravan-don-t-come-you-won-n1254550


 
 
 

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