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Conflit dans le Haut-Karabakh : la Cour européenne essaie de se faire entendre

En tout juste une semaine, la Cour européenne des droits de l’Homme a rendu deux décisions[1], en application de l’article 39 du règlement de la Cour, dans le cadre du conflit dans le Haut Karabakh. Ce conflit, né dans les années 1990 suite à la dissolution de l’URSS, oppose depuis lors l’Azerbaïdjan et l’Arménie. En effet, lors de la création des deux nations indépendantes, le Haut-Karabakh a été intégré à l’Azerbaïdjan alors que la population de ce territoire était composée à 75 % d’Arméniens. Cette région a déclaré son indépendance en 1991 avec l’appui militaire de l'Arménie alors que le Conseil de sécurité de l’ONU n’a eu de cesse de rappeler le principe de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan[2]. Cela a conduit à des représailles de l'Azerbaïdjan jusqu'à un accord de cessez-le-feu provisoire entre toutes les parties en février 1994. Néanmoins, la reprise récente des affrontements et leur violence montrent que les négociations de paix qui avaient été engagées sous l’égide du groupe de Minsk de l’OSCE[3] sont loin d’avoir été fructueuses.


Le 28 septembre 2020, l'Arménie saisit en urgence la Cour européenne des droits de l'homme à l’encontre de l’Azerbaïdjan, puis de la Turquie le 4 octobre. C’est dans ce contexte que la Cour européenne a décidé de faire entendre sa voix de façon symbolique, mais forte. Dans deux décisions du 30 septembre et du 6 octobre 2020, la Cour demande aux États de s'abstenir de tout acte qui contribuerait à des violations de droits garantis aux civils par la Convention Européenne des Droits de l’Homme et de respecter leurs obligations au titre de cette même Convention. En effet, selon une jurisprudence établie au fil des années, la Cour prend ici des mesures provisoires à titre exceptionnel, au visa de l’article 39 [4], à l’égard d’un État qui expose sa population à des risques imminents de dommages irréparables. Pour éviter d’éventuelles accusations d’instrumentalisation par l’un ou l’autre des États concernés, la Cour a précisé que ses décisions s'appliquaient à l'encontre de toutes les parties au conflit, y compris l'Arménie.

Ces décisions sont d’autant plus notables que la Cour prend rarement de telles mesures dans un contexte de conflit armé interétatique: elle ne l’a fait qu’une fois, le 12 août 2008, dans le cadre du conflit entre la Géorgie et la Russie.[5] Ces décisions montrent une nouvelle fois la volonté de la Cour de faire respecter la Convention européenne des droits de l’Homme dans les situations de conflit armé, et notamment ses dispositions relatives au droit à la vie et à l’interdiction de la torture. Cela n'est pas sans rappeler ses quelque 280 arrêts rendus au sujet du conflit opposant les forces de sécurité turques et le PKK, ou ses 250 arrêts à propos du conflit en Tchétchénie.


Sofia Bouamran, Andreina Chaguan, Mathilde Chereau, Felipe Silva Mateos, Marion Tourné


[1] CEDH Arménie c. Azerbaïdjan, n° 4251/20 et Arménie c. Turquie CEDH 276(2020)

[2] Conseil de Sécurité de l'ONU, Résolutions 822, 853, 874 et 884 de 1993.

[3] Le Groupe de Minsk a été créé par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en 1992 pour négocier une solution pacifique au conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dans la région de Nagorno-Karabakh. Actuellement ce groupe est coordonné par la France, les États-Unis et la Russie.

[4] Règlement de la Cour européenne des droits de l'homme, article 39 - « mesures provisoires »

[5] CEDH, Géorgie c. Russie, 2008. Requête n°38263/08

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